« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

LAVEUR DE VITRES VOIT PEINTURES


 

 

 

 

 

Voitures, rires, vacarme : tout se meurt

au septième étage. Je n’entends que mon éponge

 

et le grincement engourdi de l’acier

auquel je pends. Parfois, un nuage m’adresse la parole

 

ou je devine ce qu’une mouette veut me dire.

Les gens : affairés, blancs, muets, derrière les vitres.

 

Au huitième, art. Cette fille-là, ce sourire,

qui l’a tant espionnée pour qu’elle me regarde

 

droit dans les yeux, insensible aux compliments ?

Et quand cet épervier s’échappera-t-il de son cadre ?

 

Je prends ici comme une peinture gelée

à laquelle personne ne fait attention, je frotte et trime

 

et libère la vue — je peins mois

après mois un peu plus de nuages authentiques.

 

Regarde. Déjà un rayon de soleil se glisse dans mon cadre.

Menno Wigman / Le monde le soir
traduit du néerlandais par Pierre Gallissaires et Jan H. Mysjkins