« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Le Fleuve


 

 

 

 

De mon narguilé

sortit un génie du mal

ni grand ni petit

un génie

muni d’une hache à double tranchant

et d’un gourdin en dragonnier.

 

— Je viens garder la source de ton fleuve,

me dit-il.

 

Je mets longtemps à effacer

les traces de sang

qu’il laisse sur ma peau.

 

La nuit, brouillant mes rêves

il dévoile

par transparence

la lumière qui le brûle intérieurement

et il m’illumine.

 

C’est moi qui tisse

le hamac où il se couche.

 

 

*

 

 

SUR LA PIERRE de la maison je t’ai préparé

les ailes de l’oiseau kalulu

avec des morceaux d’arbres déchiquetés par la foudre

et de la résine chaude

J’ai appelé la moitié jumelle de l’esprit

pour qu’elle t’applique des remèdes

de la tête aux pieds.

 

Au fond de mon corps parfait

j’ai caché

des morceaux d’argile et de puissants sortilèges

Dans chacune des douze calebasses des origines

j’ai déposé le vin votif

une pièce d’étoffe neuve

trois perles de verre bleu

et la cire de la grande ruche.

 

Chaque jour j’ai entretenu le feu sacré

 

À l’heure des fantômes

le vent me dicte ta voix

la voix des voyages

sans retour.

Paula Tavares / 18 + 1 poètes contemporains de langue portugaise
traductions d’Isabel Meyrelles, Annick Moreau & Michel Riaudel