« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Dame étrusque

 

 





On la découvre à demi couchée

comme pour un repas

sur le recueil de ses propres cendres.

 

Elle tient dans la main un éventail

qui a la forme d’une feuille.

 

Tout cela, depuis des siècles, immobile,

une urne en terre, rose,

et autre chose encore

qui nous invite à un tendre respect :

 

un coffret, même pas très lourd

ni très solide,

comme on verrait une boîte à onguents

à l’effigie d’une beauté vivante

sur sa toilette ; et, non loin, son miroir.

 

Celle-ci fut tout l’amour d’un homme

une saison de Toscane, ou une vie,

sous le même soleil qui éclaire encore nos pas.

 

Mais le miroir n’a plus rien à craindre de son souffle,

et l’éventail en forme de feuille

n’aura plus à cacher aucune rougeur de honte.

Elle a dû désapprendre ce qu’était la brise…

 

Que c’est étrange, néanmoins, ces images de mortes

qui éveillent encore une espèce vague d’amour

chez les ombres que sommes devenus !

Philippe Jaccottet / Après beaucoup d’années / Musées