« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

II

 

 


— À la fontaine j'ai bu,
l'eau douce et cachée
entre les pierres de mousse.
J'ai bu et ma propre soif augmentait
dans le bonheur des feuilles à peine nées.

(Sur de vertes collines bleutées
chante le lin sa passion du ciel.
La voûte céleste s'appuie sur les champs.
Sous la treille les amis attendent
pour partager le pain, le poème et le vin.
Tout chante en silence. Le père est jeune
et porte son chapeau de paille et d'innocence.
La mère est belle, peigne ses cheveux de vieil or.)

 

— Moi seul ai trouvé la fontaine. À elle seule
je pourrai être fidèle.
Là-bas, j'ai bu d'une soif que n'étanchent pas les raisins
à la chair d'ambre.
Là-bas, j'ai écouté la musique terrible et victorieuse.

 

Ô malheureux amour, amour heureux.

Enrique Diego Gallego / Santa Fe - Huit poètes argentins (Abra Pampa)