VUE DE MONTPARNASSE
Par domcorrieras, le vendredi 5 juin 2015 - Poèmes & chansons - lien permanent
Sur le pont des Martyrs qu’un long soleil traverse,
Je me laisse engloutir par le rythme des trains,
Bossa nova du rail épousant la traverse,
Sans arrivée et sans départ. Je ne m’astreins
Qu’à regarder la Tour dont les sombres élytres
Reflètent l’or diffus du déclinant Phénix.
Quel calme. Deux clochards s’en vont avec leurs litres
Vers les gravois de la rue Vercingétorix,
Et le ciel envahi de vagues territoires
Où transhument sans fin des troupeaux, des tribus,
Passe avec la solennité des préhistoires
Sur les bâtiments qui n’en sont qu’à leurs débuts,
Changeant déjà l’espace en zone extra-terrestre
Et du coup — c’est très sûr — l’âme des habitants.
Même le promeneur à l’allure pédestre
Sent poindre aux angles droits d’autres mœurs, d’autres temps.
Néanderthal avait ce rêve dans les moelles
Quand il faisait jaillir le feu de ses silex.
Je crois — moi qui suis doute et qui roule en solex —
Que de ce vieux tas d’os nous irons aux étoiles.
Jacques Réda / Hors les murs