« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Mais toi...

 

 

 

 

 

 

… / …

 

 

XXII

 

De la nymphe le chant baisse ici moins sonore,

Note triste et plaintive a fait trembler sa voix,

De ce héros fameux, émue elle déplore,

Comme le sort ingrat doit payer les exploits.

Bélisaire! dit-elle, après tant de victoires,

Quand tu devais sur fortune et sur gloire,

Toi, dont le grand nom était partout vanté,

On te voit misérable, en triste obscurité.

 

 

XXIII

 

Tu as des compagnons, tant en faits mémorables

Comme en ingratitude et lâche traitement,

En l'état le plus humble et le plus misérable,

Comme lui tu seras réduit en vieillissant.

Ceux qui servaient au Roi d'égide tutélaire

Mourir à l'hôpital sur d'indignes litières,

Voilà donc la justice et l'amitié des Rois !

Ces illustres ingrats se croient tous les droits.

 

 

XXIV

 

Les puissants sont ainsi; les fausses apparences

Les trompent aisément; et sans le moindre égard,

Ils privent les Ajax de justes récompenses,

Pour en gratifier les Ulysses bavards.

Quand leur munificence en largesses royales

Se répand quelquefois d'une main libérale,

Ce n'est pas au mérite, au talent, aux grands cœurs,

Presque sans exception, c'est pour de vils flatteurs.

 

 

XXV

 

Mais toi, Monarque injuste, oublieux et coupable,

Envers un tel vassal, seul avare pour lui,

De le voir mendier tu te montres capable

Quand au riche royaume par lui te fut acquis,

Mais tant que de Phébus la lumière féconde

Lancera ses rayons, sache que dans le Monde

Il sera célébré tel héros sans égal,

Et toi, comme un avare et cœur dur et partial.

 

 

 

… / …

Luis de Camoëns / Les Lusiades - Chant dixième (extrait)