« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Les arbres qui marchent

 

 

 

Il y avait une colline sur laquelle s'étendait un plateau très découvert, tapissé d'un gazon verdoyant. Le site manquait d'ombres ; lorsque le poète issu des dieux se fut assis en cet endroit, lorsqu'il y eut touché  ses cordes sonores, il y vint des ombrages ; l'arbre de Chaonie  n'en fut plus absent, ni le bois des Héliades, ni le chêne  au feuillage altier, ni le le tilleul mou, ni le hêtre, ni le laurier virginal, ni le coudrier fragile ; on vit là le frêne propre à faire des javelots, le sapin sans nœuds, l'yeuse courbée sous le poids de ses glands, le platane, abri des jours de liesse, l'érable aux nuances variées, et, avec eux, les saules qui croissent près des rivières, le lotus ami des eaux, le buis toujours vert, les tamaris grêles, le myrte à la double couleur et le laurier-tin aux baies noirâtres. Vous vîntes aussi, lierres aux pieds flexibles, et vous encore, vignes, ornes, arbousiers chargés de fruits rouges, souples palmes, récompenses des vainqueurs, et toi, pin, à la chevelure relevée,  à la  cime hérissée, arbre que chérit la mère des dieux des dieux ; car Attis, favori de Cybèle, a quitté pour lui la figure humaine et il est devenu la dure substance qui en forme le tronc.

Ovide - Les Métamorphoses - Livre dixième / Les arbres qui marchent