« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Bienvenue à la joie, bienvenue au chagrin

 

 

johnKEATS_2361818k.jpg

 

 

 

Bienvenue à la joie, bienvenue au chagrin,

          À l'herbe au Léthé, à la plume d'hermès ;

Bienvenue aujourd'hui et bienvenue demain,

          Je vous aime tous deux d'une égale tendresse !

          J'aime voir des visages tristes par temps clair,

Et entendre un éclat de rire joyeux au milieu du 

          tonnerre.

   J'aime ensemble le beau et l'infâme,

   La douceur des prairies sous lesquelles couvent des

         flammes,

   Une gloussement de rire devant une merveille ;

   Mais un visage sage à la vue d'une farce ;

   Le glas des funérailles et le carillon qui rit au clocher,

   L'enfant qui joue avec un crâne,

   Le matin clair et les coques des nefs par l'ouragan

        brisées,

   La belladone au chèvrefeuille unie dans un baiser,

   Un serpent dans des roses rouges sifflant ;

   Cléopâtre en robe de reine,

   Les aspics pendus à son sein,

   La musique dansante et la musique triste,

   Ensemble réunies, raison avec folie ;

   Muses radieuses et Muses blêmes ;

   Saturne sombre et Momus florissant.

   Rire et soupir, et rire encore —

   Oh miel exquis de la douleur !

   Muses radieuses et Muses blêmes,

   Otes de vos visages le voile !

   Laissez-moi voir  !  et laissez-moi écrire

   Du jour et de la nuit

   Ensemble réunis. Laissez-moi étancher

   Toute ma soif d'un mal de cœur exquis !

   Qu'un if me soit un ciel de lit,

   Entrelacé de jeunes myrtes,

   De pins et de tilleuls en pleine floraison,

   Et que ma couche soit une humble tombe d'herbes.

John Keats / Seul dans la splendeur