« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Quand je serai assis comme un nuage

 

 

 

 


Immanquablement, le vent pèse à l'approche des collines

Le temps que les brumes se dispersent

L'eau pèse de tout son poids

Avant la fin de la nuit

Immanquablement, le temps pèse

Le temps que je retrouve dans le mot

Le temps de la mort avec cette subite invasion du blanc

D'un côté le vent, de l'autre le désert

En une seule fois, comme si j'étais là, comme si j'avais

déplacé tant de pierres, mangé tant de bitume

Toujours d'un pas essoufflé, jamais machinalement

Comme si tu existais, mais à part

Comme si je m'étais pas reconnu

dans mon regard

Un peu bœuf suspendu

Un peu ciel clair

 

Oui, mais os et vide ne s'écrivent pas

de la même manière

même si le rouge meurt sous la pluie

comme une lumière

qui rehausse ton sourire

 

Une pluie creuse le mot avec mon corps et ta voix

De temps à autre, entre dire et le pire

Chacun à sa manière pour se défaire de l'autre

Pour que paraisse ton visage

que disparaisse l'œil

même si tu as toujours devancé de tes dents

ma langue

 

Quand je serai assis comme un nuage

Sur un verbe esseulé

Tu apparaîtras

Un cheveu par tête

Un souffle par corps

Pleine de cloches dans le dos

Bleue légère, œil suspensif

À toute vitesse vers le nord

Comme ces salmonelles qui ne ressemblent jamais à leur

nom

 

Compte par dix les pets et les rires

Le pansu qui

divisé

peut vieillir par dix

Tout en ne sachant pas ce que nous apportera demain

Tandis que ne désemplit pas

La bouche des feux et des rames

Qu'est-ce qu'une histoire

Qu'est-ce qu'une aile d'oiseau dans une histoire

Et pourquoi le mot tombe

Le sac vide

Le pied court

Le dé range tout ce qui tombe du mot pour vieillir

à une cadence mesurée dans la seconde enfiévrée de l'attente

 

Tous les jours trois fois le monde dans le mot

pour digérer la morte

au cœur de la nuit

et la repeupler de son rêve

Avant que le jeu ne soit fini

Avec la singularité des pas et de l'âme d'une beauté

Ensevelie

Saisissante vermine

Dans la proximité du feu

Comme une barque qui écumera son nom

dans la dérive

Seyhmus Dagtekin / La langue mordue (Le Castor Astral)