« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Nocturne

 

 

 

 



Je les ai vu toutes plonger

Dans les remous sous la cascade,

Aussi vrai que je vous regarde,

Leur disait Jef le braconnier.

 

Elles étaient nues comme la main

Et blondes comme les légendes

Qui tremblent aux sources d'Ardennes.

Je les ai vues... deux qui s'embrassaient.

Les belles garces de minuit !

 

Dans l'estaminet de Maria

Le genièvre allumait la nuit

Mi-close sur les enchanteuses

Devant les buveurs stupéfaits.

 

Je les prendrai dans mes filets,

Je te les ferai crier d'aise

Si je les tiens entre mes bras

Les deux qui s'embrassaient, sais-tu...

 

Maria lui dit : cherche toujours

C'étaient des putes de Bastogne

Qui s'en revenaient de Kermesse

Et t'auraient foutu la vérole,

Au lieu que moi...

 

Le gars sourit, leva son verre

Embué tel leur souvenir

D'un givre à peine ;

Toute sa soif en la fraîcheur

Fondait, fondait à perdre haleine.

Sans mot dire il ouvrit la porte

D'un coup de pied et disparut.

Le vent sentait la mousse humide...

 

Le rêve attend le petit jour

Pour nous dérober ses merveilles

Et l'accord des ombres pareilles

Aux jeux secrets de notre amour.

André Hardellet / La Cité Montgol