La pente
Par domcorrieras, le lundi 18 avril 2011 - Poèmes & chansons - lien permanent
Sous le virage, un petit bois bancal. Je me suis dit
Qu'au delà des arbres la pente abrupte avait bondi
Pour plonger dans un gouffre nébuleux et presque intime
Comme on en voit dans les paysages chinois,
Et j'ai quitté la route. Elle montait vers d'autres bois
En rechignant. L'espace avait une ampleur maritime
Entre ces collines si loin d'un rivage salé,
Et mon but sur la crête avait peu à peu reculé
À mesure que j'avançais. Le bois, de son air gauche,
Se cramponnait en contrebas. Je descendis
La pente parmi des rochers et de l'herbe engourdis
Sous un ciel nuageux bâclé comme dans une ébauche.
Rien ne bougeait aux environs. Pas d'oiseau, pas de vent.
Juste l'élan de cette pente où j'allais en levant
Un bras comme pour m'accrocher encore à quelque cime.
Cependant je glissai dans l'herbe, et sans pouvoir
Me retenir j'ai dévalé droit vers le réservoir
Sans fond, jusqu'aux derniers sapins tordus sur un abîme.
Jacques Reda / L'adoption du système métrique.