« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

La pente

 

 




Sous le virage, un petit bois bancal. Je me suis dit

Qu'au delà des arbres la pente abrupte avait bondi

Pour plonger dans un gouffre nébuleux et presque intime

Comme on en voit dans les paysages chinois,

Et j'ai quitté la route. Elle montait vers d'autres bois

En rechignant. L'espace avait une ampleur maritime

 

 

Entre ces collines si loin d'un rivage salé,

Et mon but sur la crête avait peu à peu reculé

À mesure que j'avançais. Le bois, de son air gauche,

Se cramponnait en contrebas. Je descendis

La pente parmi des rochers et de l'herbe engourdis

Sous un ciel nuageux bâclé comme dans une ébauche.

 

 

Rien ne bougeait aux environs. Pas d'oiseau, pas de vent.

Juste l'élan de cette pente où j'allais en levant

Un bras comme pour m'accrocher encore à quelque cime.

Cependant je glissai dans l'herbe, et sans pouvoir

Me retenir j'ai dévalé droit vers le réservoir

Sans fond, jusqu'aux derniers sapins tordus sur un abîme.

Jacques Reda / L'adoption du système métrique.