« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

XX. DANS BIEN LONGTEMPS

 

 

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Dans bien long­temps je suis passé par le châ­teau des feuilles

Elles jau­nis­saient len­te­ment dans la mousse

Et loin les coquilla­ges s’accro­chaient déses­pé­ré­ment aux rochers de la mer

Ton sou­ve­nir ou plu­tôt ta ten­dre pré­sence était à la même place

Pré­sence trans­pa­rente et la mienne

Rien n’avait changé mais tout avait vieilli en même temps que mes tem­pes et mes yeux

N’aimez-vous pas ce lieu com­mun? lais­sez-moi lais­sez-moi c’est si rare cette iro­ni­que satis­fac­tion

Tout avait vieilli sauf ta pré­sence

Dans bien long­temps je suis passé par la marée du jour soli­taire

Les flots étaient tou­jours illu­soi­res

La car­casse du navire nau­fragé que tu con­nais - tu te rapel­les cette nuit de tem­pête et de bai­sers? - était-ce un navire nau­fragé ou un déli­cat cha­peau de femme roulé par le vent dans la pluie du prin­temps? - était à la même place

Et puis fou­taise lari­rette dan­sons parmi les pru­nel­liers!

Les apé­ri­tifs avaient changé de nom de cou­leur

Les arcs-en-ciel qui ser­vent de cadre aux gla­ces

 

Dans bien long­temps tu m’as aimé. 

 

 

 






 

Robert Des­nos / Corps et biens