« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

La rose métisse


 

 

Ada donne naissance à Ova

 

Son visage

contracté          par la grimace salace

grotesque d'une douleur

plus forte que son intellect

     Ils tirent

de ses reins

une masse coagulée de graisse fourchue

qu'ils laissent reposer

un moment     tandis que          des mains actives

l'alimentent de liquides lactoïdes

puis sous elle          nettoient

leur résidu doré

 

Un bébé qui respire

Némesis mystéro-chimique

d'attractions obscures

(L'incontinente

exsude dans une involontaire

rétention

la conception grossière de l'incalculable)

 

La conscience isolée

projetée          d'en arrière de l'espace-temps

mesure sa cellule capitonnée

 

L'âme

en apprentissage chez le boucher

offre des denrées organiques

à la sensibilité

Héritière incertaine

de cette chair irréfutable

 

Les Parques

Génies

d'Israël

la traditionnelle et d'Albion

poussent

sous son oreiller de mauvaise augure

son patrimoine racial

 

(« Marraines jetant

un sort au bébé »)

 

Jusqu'à la dernière des marraines

qui siffle          sur un ton de fée

« Peut-être connais-tu mon nom

     Survivance ?

Maudit jusqu'à la fin des temps

Vois mon présent

Le cerveau juif ! »

 

Ainsi l'absolu mystique

la rose

qui fleurit

dans le flot rouge

du flanc du Christ

s'épine-t-elle des calculs

propres à la descendance

de l'ancien Jehovah

Jésus de Nazareth

ne fait plus qu'un

avec Judas Iscariote

dans ce composite Anglo-Israélite

 

Sous ses paupières froncées

cet être écarquille les yeux

les bouts étoilés de ses doigts

jouent à s'attraper

 

Solennelle et confiante

maladroitement

bercée par une maternité insensible

cette chose est là

agite ses pieds tout neufs

et nourrit

son cœur métis au Benger

Mina Loy / Les anglo-métis et la rose
Illustration : dessin de Mina Loy