« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Marquis minuit


 

 

… / …

 

Il y eut

après le départ

     quelques turbulences pour le ravir

Arrivée à la capitale   froid de crime    absence de lumière —

(le macabre maelström de l'ivresse

n'a rien d'une bouffonnerie)

Grande parade de sursis crépuscule des cramoisis

     366 jours de luttes et de naufrages

     dans les boissons découvertes

     366 nuits dans les cellules de dégrisement

     je   Marquis de tous les minuits   frotte mes jeunes années

contre les barbelés saturniformes du grand destin

     Arrive un bruit de cymbale qui ne s'en ira plus

Qu'ai-je tué ?

     Qu'ai-je détruit ?!   J'ai cru apercevoir

quelque chose de très lointain

Est-ce cela   le prélude à l'altitude   et à la passon ?

..vitupérant dans une langue étrangère à moi-même j..

..je ne suis pas   j'habite..

..un regard de grande baignade qu'il..

..fallait-il nous absoudre ?

 

Marquis   — l'agneau

     Damerino feu intempestif dans le fameux raout du samsara

rien qu'un voyou dans les habits d'un prince

un aliéné dans les mots d'un macchabée

     une perspective de figuiers figés

 

Marins d'eau de vie !

     Ranimez   mes amis   le souvenir de l'abri !

366 jours et un bref délai    l'indice

     nous donne le satin du secret

     comme un sifflement   une injection   de Nord & de Sud

dans nos fractures

repose alors en nous la patrie de la peur

     notre propre venin venu

     pour nous empoisonner ;

 

Un soir qu'il est à se confondre

     d'un rade   d'une rixe en zeitnot

et en pensant —    S'agit-il de relire le jour d'avant ?

S'agit-il de la même joie qui suit la même peine et de la joie

     pour une autre peine et d'une   peine et d'une joie

     encore et ? —

 

                                             ces percussions cuivrées

     Jazzabelle apparait dans les lèvres de la déviation

fille du crépitement et des ruelles calamiteuses

C'est crime et don   Jazzabelle   qui défile et m'offre

                                                                   une geôle

inconnue de mes sens

Et c'est    Chambre châle pluie de giffles    Jazzabelle

     saxophones siamois et péplums jade

Jolie geôle    fille du crépitement et des ruelles calamiteuses

crime et don   Jazzabelle

     Quelle est cette nouvelle prison d'adoration ?

 

… / …

Tom Buron / Marquis minuit (extrait)