« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Le pont Mirabeau


 

pour Breyten, docteur honoris causa

 

Un sac poubelle de femme emprunte l'escalier

d"une HLM : derrière elle, les derniers feux

du soleil ; la rue sombre est une tombe.

 

Quand les chômeurs musulmans de vingt ans n'ont-ils

une chanson d'amour ! Mais les musulmans de vingt ans

mécontents d'être au chômage sont des ombres.

 

La femme suit son propre pas traînant : voyez,

la pointe d'une humble babouche se tortille.

Les rapport hommes-femmes dans une cité

 

ressemblent-ils à ceux qui s'instaurent entre le poète

d'un certain âge et l'étudiante qui lui consacre une thèse ?

Tel l'allumette, Eros se frotte-t-il à l'intellect ? Vous radotez.

 

Les vents d'échappement portent une abeille

solitaire vers ses fleurs ; dans l'ascenseur au geignement

nostalgique, la femme songe à la tache de sperme

 

sur sa robe. Elle est parvenue à sa porte banlieusarde.

La voilà qui regarde par la fenêtre : dans la rue sombre

un lampadaire cassé donne de la lumière. Un matou pisse.

Benno Barnard / Le service de mariage
traduit du néerlandais (Pays-Bas) par Daniel Cunin