« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

A LA PRINCESSE ROUKINE


 

 

« Capelos de Angelos. »
(Friandise espagnole.)

 

 

C'est une laide de Boucher,

Sans poudre dans sa chevelure

Follement blonde, et d'une allure

Vénuste à tous nous débaucher.

 

Mais je la crois mienne entre tous,

Cette crinière tant baisée,

Cette cascatelle embrasée

Qui m'allume par tous les bouts.

 

Elle est à moi bien plus encor,

Comme une flamboyante enceinte

Aux entours de la porte sainte,

L'alme, la divine toison d'or!

 

Et qui pourrait dire ce corps

Sinon moi, son chantre et son prêtre,

Et son esclave et son maître

Qui s'en damnerait sans remords,

 

Son cher corps rare, harmonieux,

Suave, blanc comme une rose

Blanche, blanc de lait pur, et rose

Comme un lis sous de pourpres cieux?

 

Cuisses belles, seins redressants,

Le dos, les reins, le ventre, fête

Pour les yeux et les mains en quête

Et pour la bouche et tous les sens?

 

Mignonne, allons voir si ton lit

A toujours sous le rideau rouge

L'oreiller sorcier qui tant bouge

Et les draps fous. O vers ton lit!

Paul Verlaine / Poèmes érotiques