« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

La vie et la mort ne sont pas ce qu’on pense


 

 

La vie et la mort ne sont pas ce qu’on pense

 

Avant ou après le mariage

 

Quelqu’un s’amusait à tuer

 

Il y a les riches et les pauvres

 

Et Louise ? Louise elle est morte

 

Plus ça change plus c’est la la même chose

 

Le même degré dans la criminalité

 

Quelque chose de vague

D’informulé

D’informulable

 

Ils ont dit : « elle a du charme » « elle est frivole »

 

Qui sont ces gens ?

Qui est derrière moi ?

 

« C’est une femme qu’il faut éviter »

 

L’accident d’Yvan est-il avant ou après le mariage ?

 

Et qui surveillait qui ?

 

De quels tracts parlez-vous ?

Nous n’étions pas seuls à distribuer des tracts

 

Et le petit chat nous l’avons eu

 

J’ai pris un emploi de secrétaire

 

Plus ça change, plus c’est la même chose

 

Amoureux de moi ? vous voulez rire…

Et de quel amour s’agirait-il ?

 

Toit est à envisager

Sauf une solution sentimentale

 

Qui est derrière moi ?

 

Qui déteste la couleur de mes cheveux ?

Pour vingt ans. Pour trente ans

 

Qui est derrière moi ?

 

J’ai dormi. Je dors beaucoup

 

Je suis éberluée de vivre encore

D’être une vieille

 

Un vrai western

 

Charlot chercheur d’or

 

Une cavalcade sans fin

Une course éperdue. Une fuite folle

 

Pour échapper

Leur échapper

 

Tu n’étais pas à mon mariage

Ainsi c’était perdu d’avance

 

C’est un moment sans lecture

 

Sans littérature

 

Roman non complet

 

Provisoire et sommaire

 

La grammaire en démolition n’arrange pas le drame

 

Lady Martinetti ne remue pas la tête

 

À partir de ce jour

d’un homme on passera à deux hommes

à dix hommes

à des millions d’hommes

 

Le petit manuel à l’usage du Cours Élémentaire

est d’une force sans discussion

 

Il est mort et je ne lui plais pas davantage dans la mort

 

« C’est ça la vamp ? » dit le nouveau pasteur

 

Je ne suis pas invitée au thé

ni au dîner du soir

Déjà on me dit que je peux disposer

 

Quel âge avais-tu? Vingt ans ?

 

Je n’ai pas marqué d’une croix

sur mon agenda

Le jour où tu n’étais plus là

 

Je n’en sais pas plus que vous

 

Je n’en sais rien ou si peu

 

Je ne sais pas grand-chose

 

C’est fatigant d’écrire encore

Sans savoir où tu dors

 

Le fourreau et les gants

ont été retrouvés sous le canapé

 

Maintenant les pièces sont vides

Un vide surprenant

 

La vie y est encore sensible

Ou la souffrance

 

Je ne sais rien

Je ne sais d’où ni comment vient la voix

 

La suite — La fin — L’explication

Me manquent

 

Je dors

 

Je rêve : je sais le faire

 

Il a été la chercher au train

 

Pas elle. Quelqu’un d’autre

 

C’est une besogne d’homme

 

S’il y a quelqu’un à sortir, c’est un inconnu

 

l’homme de la fenêtre sans doute

 

Ou la souffrance

 

L’odeur lourde des tragédies rapides

 

Odeur qui ne s’efface pas

 

Un vide vivant

 

Inconnus contre inconnus

 

Des inconnus entre eux

 

Inconnus les uns aux autres

 

Une action déterminée

Comme au théâtre

 

Qui est cet homme ?

 

Qui est cette femme ?

 

 

… / …

Liliane Giraudon / Le travail de la viande (extrait)