À L’ÉTRANGER
Par domcorrieras, le mardi 2 avril 2019 - Poèmes & chansons - lien permanent
Dans le bois de cyprès,
Une pompe à essence cachée
Où veille le gros avec son chien.
Là-bas, pas de grandes routes.
Il n’y passe que des loups à jeun
Et quelques camionneurs de nuit,
Vitres brisées au front.
Au-delà, dans l’avenue déserte,
Tournent les roues en l’air
Lourde musique pour celui
Qui dort indifférent
Les yeux grands ouverts au froid
Sourd aux coups de l’averse.
Ô, lointains sommets de la douleur,
Où sont nés, où vivent les routiers
Qui ont gagné quelque chose
Tantôt en fourmis laborieuses,
Tantôt par la bière et les cartes,
Un de moins ce soir.
et tombe la rosée nocturne comme
La chemise de nuit d’une femme seule.
Un de moins. Nul ne le saura jusqu’à demain
À part le chien ensommeillé
Qui accueille leur ombre muette.
Ils ont quitté leurs camions immortels,
C’est la première fois, pour un papillon.
Et dans l’odeur d’essence ils entendent
Rouler les fruits du cyprès.
Le vieux ne bouge pas de sa place.
Plein à ras bord dans son fauteuil de pierre
Il encaisse.
Que la tortue ce soir gagne son trou.
Que nul insecte ne s’allume sous les étoiles.
Car des maisons attendent
Sous l’encens clairsemé de la lune
Et celui qui mesurait leur insomnie
Ne reviendra plus à la pompe. À présent
Il caresse un vieux renard. Il parle
La langue de la hulotte.
Pluie, lave la route.
L’oubli est impossible.
Dìmitra Christodoùlou / La prière de l’imprudent
traduit du grec par Michel Volkovitch