À LA SANTÉ DE DIEU
Par domcorrieras, le mercredi 2 mai 2018 - Poèmes & chansons - lien permanent
Après la terre brûlée des aubes qui grelottent
Les morts de rien accrochés aux enclumes
Après les crocs de chiens qui palpitent d’amour
Quelques tiroirs bourrés de faucilles qui sanglotent
Après les grains de riz que l’on jette au néant
Ma poésie qui gesticule en vain
Après tous les mégots défaits par l’eau du bal
Ce sein sans doigts qui s’aplatit en ombre
Après les cités-cloches avides de buissons
Tous ces fruits écrasés par le mime des ferrailles
Après la délivrance par un nouveau fouet
Le décor lancinant des falaises qui bougent
Je me lève et bois mon verre
À la santé du ciel
À la santé du pape
À la santé de Dieu
Qui vend des libellules.
Alors je vois les emmurés
Mordre dans leurs menottes
Comme on croque un savant
Pour que s’oublie l’envers
Alors tous les silences maladroits
Les regards sans costumes
Les je t’aime déchiquetés
Qu’on vrille dans les échoppes
Ces dames les bigotes
Et ces messieurs les glands
Se couvrent de soutanes
Se feutrent le derrière
Je vois un emmerdé
Tordre les emmerdants
Et tous les vieux lits creux
accrocher des blasphèmes
Aux colères qui attendent.
Le manège aux bourrasques
Les dunes sans ombrelles
L’hiver sans avalanches
Les blés sans ressemblance
Tout engendre des voilures.
Je vois gerber de miettes l’enfance d’un oiseau
Des os de peines un palais d’organdi
Du raisin cru des lumières des cimes
Puis rire un homme dont les cornes pullulent.
Alors buvons un verre
Buvons deux verres
À la santé du ciel
À la santé du pape
À la santé de Dieu
Qui vend encore des libellules
Qui vend toujours des libellules…
Alphonse Pensa / Les mains crépusculaires