« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Avance, condamné à mort !


 

 

Avance, condamné à mort !
le vent, les chats fuient devant toi
dans les buissons, les rangs chancellent
des arbres noirs, et se bossèle
la route qui blanchit d’effroi.
Dessèche-toi, feuille d’automne !
disparais, monde sans amour !
du ciel tombe une bise froide
et sur l’herbe rouillée et roide
l’ombre des oies sauvages court.
Sois pur, poète, comme un sage
dans la neige des hauts parages
battus de vent, sois innocent
comme le tout petit enfant
jésus de nos vieilles images.
Et dur aussi comme un grand loup
blessé qui, saigne de partout.

Radnóti Miklós / Marche forcée, œuvres 1930-1944
Traduit du hongrois par Jean-Luc Moreau