LE RAPPORT DE MACKENZIE
Par domcorrieras, le mardi 10 avril 2018 - Poèmes & chansons - lien permanent
Moi, Mackenzie Alexandre
je rassemble ces notes
au cœur des contrées sauvages d’Amérique
pour relater nos expectations
situations et progrès
pendant le cours
de notre mémorable expédition
depuis le fort Chipewyan jusqu’à l’océan Pacifique
outre moi-même, McKay et un chien
il y avait dix Canadiens français
(les meilleurs canotiers qui soient
à l’exception bien sûr des Esquimaux et des Indiens)
tous embarqués dans un bateau extravagant
chargé jusqu’au plat-bord
de trois mille livres de matériel divers
jour après jour nous nous échinions
à manier la rame, la perche ou la corde
à coltiner le chargement aux portages :
labeur fastidieux et harrassant —
mais partout quelle splendide beauté !
de hautes falaises, grises et rouges
une multitude de rapides et de cascades
bouleaux, pruches, saules, cèdres
hautes montagnes bleues couronnées de neige
commerçant avec le peuple du Castor
les tribus des Rocheuses
le peuple du Saumon
apprenant leurs parlers
observant leurs modes de vie
dans ces terres extrêmes du septentrion
aux géographes en fauteuil
j’envoie ce message définitif :
ayant accompli ce voyage
je puis affirmer sans craindre les reproches
qu’il n’y a dans le Nord-Ouest aucun fabuleux passage
ouvrant sur une Asie indolente et riche
seuls une étendue d’eau blême et silencieuse
un rivage jonché d’algues
pris dans les brouillards
peuplé de loutres et de phoques
je confie cette lettre
à un vieux tonneau de rhum
que je livre ce jour d’hui
27 juin 1703
aux eaux de la rivière Anonyme
dans l’idée qu’à l’avenir possiblement
quelqu’un la découvrira
les yeux remplis d’émerveillement.
Kenneth White / Les archives du littoral
traduit de l’anglais par Marie-Claude White