« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

ermite dans la ville

 

 

Oisif dans la forêt de ma chambre
avec des arbres de tungstène, une chouette préparant du café,
des toiles d'araignée capuchonnées d'or sur les fenêtres
regardant l'enfer du dehors ;
haleine tabagique : statues de perfection,
qui ne se laissent pas enliser dans des diatribes
cancéreuses ;
des moteurs et des roues se traînent vers des issues
gazeuses le long de la dent de sabre ;
mes arbres grimpent au milieu des comptines de singes,
grimpent à travers le plafond,
cassent les antennes de télé et
le braillement terne des rires en boite,
de l'humour en boîte, de la mort en boîte ;
oisif, oisif dans cette forêt,
lys calla, herbe, pierre,
la paix de toute une nuit
sans bombardier ni visage,
et je rêve le rêve de pierre,
le rêve d'herbe
la rivière coulant à travers les phalanges
de mes doigts
à cent cinquante ans de là
abandonnant des petites quantités de gravilons, d'or
et de radium,
que des poissons étourdis
soulèvent et retournent
avant de laisser retomber,
des particules de sable remontent
dans mon sommeil...

Le hibou recrache son café,
mes singes parlent d'un projet inepte
et mes murs
mes murs m'adent à supporter la saisie.

Charles Bukowski / Les jours s'en vont comme des chevaux sauvages dans les collines