« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

RUE D’AMSTERDAM


 

 

 

 

La rue d’Amsterdam descend et remonte

Monte et redescend ainsi fait ma rue

Je monte ou descends la rue d’Amsterdam

Je descends ou monte d’Amsterdam la rue

 

On dit qu’on descend on dit qu’on remonte

Les rues descendantes les montantes rues

On le dit aussi des rues hésitantes

On le dit aussi des plus plates rues

 

On monte les rues sur leur macadam

Ou par leurs trottoirs on descend les rues

ainsi je descends ma rue d’Amsterdam

Ainsi moi je monte d’Amsterdam la rue

 

Qu’est-ce qui descend qu’est-ce donc qui monte

Qu’ça descende ou pas dans toutes ces rues ?

Sont-ce les maisons qui montent qui montent

ou qui tombent tombent vers le bas des rues ?

 

Que c’est les maisons ça s’voit à ce nombre

Qu’elles ont sur la porte au bord de la rue

Quand la rue descend descendent les nombres

Et les nombres montent quand monte la rue

 

Mais pourquoi dit-on que les nombres montent

Grimpant de zéro jusqu’à l’infini

C’est parce que les nombres font une rue de nombres

La rue des entiers plus longue que les nuits

 

Très longue est la rue la grand-rue des nombres

La grand-rue abstraite qui jamais n’finit

On monte on descend on compte on recompte

Dans la nuit du monde où tout nombre est gris

 

Mais peut-être nos rues ne sont que des ombres

Des ombres de nombres jetés par les pluies

De tout petits bouts de la rue des nombres

Où monter descendre pour toute la vie

Jacques Roubaud / Je sui un crabe ponctuel
Anthologie personnelle 1967-2014