« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

LE DEUIL DU MOULIN

 

 





Le vieux meunier dort, au fond d’un cercueil

De chêne et de plomb, sous six pieds de terre,

Et, dans le vrai plein d’ombre et de mystère,

Le moulin repose en signe de deuil.

 

La nuit a drapé ses murs de longs voiles

Crêpes aux plis noirs et silencieux,

Et sur le velours funèbre des cieux

Roulent des pleurs d’or tombés des étoiles.

 

La voix du vent dit, dans les roseaux roux,

Un hymne au bon Dieu pour la paix de l’âme

Du défunt, et l’onde égrène sa gamme,

Lente comme un glas, sur de gros cailloux.

 

Les saules ont mis leurs branches en berne

Au bord du ruisseau, dans l’obscurité,

Et le sentier même est comme attristé

Par l’air douloureux et lourd qui le cerne.

 

Et le vieux moulin, le pauvre moulin

Dont le maître est mort un matin d’automne,

Gît parmi les champs, sous la lune atone,

Seul et délaissé comme un orphelin.

 

 

Gaston Koutay
Meung-sur-Loire, mars 1897

Gaston Couté / La chanson d’un gâs qu’a mal tourné