PRINTEMPS
Par domcorrieras, le lundi 18 septembre 2017 - Poèmes & chansons - lien permanent
Cette petite bouche liquide en forêt
s’appelle une source mais c’est vraiment
une bouche liquide gardant tous les secrets
de ce qui s’est passé ici, disant dans le langage
non grammatical de l’eau que le ciel était jadis plus
proche et qu’un fragment d’étoile calcinée a fait
bouillir son eau.
Cette bouche liquide est ici depuis l’âge de glace
avec ses millions d’yeux mobiles elle a vu deux
créatures
mourir, un ours chauve très âgé qui s’endormit
et ne sut jamais qu’il mourait, et une Indienne
qui plongea dans son visage fiévreux en décidant de
respirer l’eau. Cette déesse prend grand plaisir
à sa propre débâcle printanière, elle aime voir le coyote
bondir à deux mètres de haut pour attraper une
humble souris, ou refléter cent mille lunes brillantes,
dormir sous un épais manteau neigeux ou sentir
le museau de toutes ces créatures assoiffées ;
jusqu’à l’homme assis sur le sol de la forêt savoure
la pureté de cette langue qu’il espère un jour apprendre.
Jim Harrison / Une heure de jour en moins