« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

V - LE TILLEUL


 

 

 

Il y a un tilleul devant la porte

près de la fontaine

j’ai rêvé dans son ombre

le plus doux de mes rêves

j’ai gravé dans son bois

le plus doux des mots doux

 

jour après jour il appelait à lui

et ma joie et ma peine

 

je suis repassé aujourd’hui

sous le tilleul

c’était au plein cœur de la nuit

j’ai fermé les yeux

sur le retour de la nuit

et j’ai entendu dans le murmure des branches

comme un cri silencieux :

viens compagnon reviens à moi

en moi seul est ton repos !

 

un vent glacé me fouettait le visage

une bourrasque emporta mon chapeau

j’ai passé mon chemin

sans me retourner

j’ai marché des heures et des heures

je suis loin à présent

mais j’entends encore le cri silencieux :

en moi seul est ton repos !

Wilhelm Müller / Le Voyage d’hiver
traduit de l’allemand par Jean-Pierre Siméon