« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

GRANDES VACANCES DU CÉLIBATAIRE


 

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De la ville montent des moutons, fumés

en vagues de pardon

sur un hier cramoisi, emblème des hommes

qui, délaissant avec retenue le tabac

se font gratte-papier

devenus étrangers aux jours d’oisiveté musardés aux champs.

 

Yeux de lynx contre le caracal, le chasseur

sortit à l’aube :

la violence allait à cheval à la montagne

imaginant des fauves, vignes regrettant

les ivresses, moribond

saisi par la soumission aux sources.

 

Le trépas sans postérité est sombre, le miroir

succombe à l’odeur des syllabes

et des plaintes enfantines, la bouche sans aigreur

même si la lumière dérive

dans l’abandon : symboles

de l’être, couteaux sous un inutile salut.

 

La main, glissant la lame sur la joue, éloigne

du visage le mâle, vainc

le temps et les mots et détruit

les traces de sueur de l’amour vénal :

oh, la femme qui tout à côté

se balance sur l’escarpolette.

 

Après une promenade à la rivière, il faut préparer

la nuit et distraire

le sommeil ou l’ivresse qui palpite en soi,

et au retour écrire furtivement

à qui attend au loin :

« le monde est vil, en toi repose le vrai ».

 

La grâce échappe à l’ignare et le jette au marécage,

demain dans son petit bureau

champ et femme le délaisseront :

et le héros allumera son tabac

plongé dans l’angoisse

de n’avoir peut-être pas connu cet au-delà.

Ali Chumacero
traduit de l’espagnol (Mexique) par Nicole Martel.
photo : Portrait d’Ali Chumacero par Laura Cohen.