GRANDES VACANCES DU CÉLIBATAIRE
Par domcorrieras, le vendredi 8 avril 2016 - Poèmes & chansons - lien permanent
De la ville montent des moutons, fumés
en vagues de pardon
sur un hier cramoisi, emblème des hommes
qui, délaissant avec retenue le tabac
se font gratte-papier
devenus étrangers aux jours d’oisiveté musardés aux champs.
Yeux de lynx contre le caracal, le chasseur
sortit à l’aube :
la violence allait à cheval à la montagne
imaginant des fauves, vignes regrettant
les ivresses, moribond
saisi par la soumission aux sources.
Le trépas sans postérité est sombre, le miroir
succombe à l’odeur des syllabes
et des plaintes enfantines, la bouche sans aigreur
même si la lumière dérive
dans l’abandon : symboles
de l’être, couteaux sous un inutile salut.
La main, glissant la lame sur la joue, éloigne
du visage le mâle, vainc
le temps et les mots et détruit
les traces de sueur de l’amour vénal :
oh, la femme qui tout à côté
se balance sur l’escarpolette.
Après une promenade à la rivière, il faut préparer
la nuit et distraire
le sommeil ou l’ivresse qui palpite en soi,
et au retour écrire furtivement
à qui attend au loin :
« le monde est vil, en toi repose le vrai ».
La grâce échappe à l’ignare et le jette au marécage,
demain dans son petit bureau
champ et femme le délaisseront :
et le héros allumera son tabac
plongé dans l’angoisse
de n’avoir peut-être pas connu cet au-delà.
Ali Chumacero
traduit de l’espagnol (Mexique) par Nicole Martel.
photo : Portrait d’Ali Chumacero par Laura Cohen.