« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Attente

 

 





Tu prends à gauche en quittant l’autoroute et

tu descends la colline. Arrivé

en bas, de nouveau à gauche.

Continue à aller à gauche. La route

fait une fourche. À gauche encore.

Y a une crique sur la gauche.

Continue. Juste avant

que la route se termine, y aura

une autre route. Va par là

et pas ailleurs. Sinon

ta vie sera ruinée

à jamais. Il y a une maison en rondins

au toit de bardeaux, sur la gauche.

C’est pas cette maison là. C’est

la suivante, juste après

une côte. La maison

dont les arbres sont chargés de

fruits. Où fleurissent phlox, forsythias

et soucis. C’est

la maison où une femme

se tient sur le pas de la porte

avec du soleil dans les cheveux. Celle

qui a attendu

pendant tout ce temps.

La femme qui t’aime.

Celle qui peut dire,

« Qu’est-ce qui t’a retenu ? »

Raymond Carver / La vitesse foudroyante du passé
traduit par Emmanuel Moses