« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Poèmes (3)

 

 

 

XLVII


    Il est un arbre étrange qui se dresse sans racines et qui porte des fruits sans avoir fleuri.
    Il n'a ni branches, ni feuilles ; c'est un pur Lotus.
    Deux oiseaux y chantent : l'un est le Maître et l'autre est son disciple.
    Le disciple choisit les nombreux fruits de la vie et les goûte ;  le Maître le contemple avec joie.
    Ce que Kabîr dit est difficile à comprendre :
« L'oiseau ne peut être atteint et cependant il est clairement visible. Le Sans-Forme est au sein de toutes formes. Je chante la gloire des formes. »


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XLII


    Il n'y a que de l'eau dans les bains sacrés ; je sais qu'ils sont sans efficacité, car je m'y suis baigné.
    Les saintes images sont sans vie ; elles ne peuvent parler ; je le sais car j'ai crié vers elles.
    Le Purana et le Coran ne sont que des mots ; j'ai levé le voile et j'ai vu.
    Kabîr laisse parler l'expérience ; il sait que tout le reste est mensonge.


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XXX


    Sur cet arbre est un oiseau ; il danse dans la joie de la vie.
    Nul ne sait où il est. Et qui peut dire quel est le refrain de sa chanson ?
    Où l'ombre la plus épaisse tombe des branches, c'est là qu'il a son nid. Il y vient au soir et s'envole au matin ; je ne le comprend pas.
    Nul ne peut me dire quel est cet oiseau qui chante en mon âme. Ses plumes ne sont ni colorées ni incolores.
    — Il n'a ni forme ni contour. Il se tient dans l'ombre de l'amour.
    Il dort au sein de l'Inaccessible, de l'Infini et de l'Éternel et nul ne sait quand il s'envole et nul ne sait quand il revient.
    Kabîr dit : « Ô frère Saint ! profond est ce mystère. Laisse les sages chercher où habite cet oiseau. »

Kabîr / Poémes (traduits par Henriette Mirabaud-Thorens)