« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

PETITE CHANSON

 

 

 

 

Pour toi mon amie, voici donc

une petite chanson :

c'est le conte d'un frêle oison...

Au creux de son nid, il veillait

sur le fin duvet

de son unique oisillon...

C'était son seul amour et son seul compagnon.

Une gorgée d'eau claire leur faisait un festin :

une simple becquée !

Et deux grains de blé rassasiaient leur appétit.

picorés dessus l'aire

où l'on répand la récolte.

Dans l'obscurité de la nuit, le frêle oiseau

nouait ses ailes en capuchon,

second nid de tendresse

où venait se blottir le duvet

de son unique amour.

Mais voilà qu'un soir s'abattit,

fondant du haut du ciel,

le plus hardi des rapaces,

monstre assoiffé de sang, impatient de broyer

la chair des faibles et leurs membres fragiles...

Ce fut d'abord un tournoiement de plumes,

pour une brève convulsion...

Amie, reçois mes excuses. Si mon beau conte

a triste fin,

c'est que je suis moi-même aussi triste que lui.

Salah Abdel Sabour (1349/1931-1400/1980), poète égyptien