J'entends le vent
Par domcorrieras, le vendredi 12 mars 2010 - Proses & autres textes - lien permanent
Il fait nuit. Il pleut. Il pleut depuis huit jours. Depuis huit jours je ne fais rien. Je reste debout devant ma fenêtre et je regarde dehors. Dehors, il pleut. Le vent rabat par rafales la fumée dans ma chambre. Alors j’ouvre ma porte, je fais une dizaine de pas dehors, sous la pluie, et je rentre, et je referme ma porte, et je retourne me planter devant ma fenêtre. Je regarde dehors. Dehors, il pleut.
Je m’étends deux, trois fois dans la journée. Je suis très las. Je m’endors immédiatement. J’entends les oiseaux dans mon sommeil. Je me réveille immédiatement. Je retourne me planter davant ma fenêtre. Je regarde dehors. Dehors, il pleut.
Puis, c’est la nuit. La nuit noire. Je n’allume pas ma lampe. Je reste debout dans le noir à regarder dehors. Il pleut toujours. Je l’entends. J’entends le vent.
La nuit est noire, noire comme les nuits du front, quand je restais planté dans la boue à regarder par mon créneau. La nuit était noire, la nuit était longue, j’entendais le vent, la pluie finissait par me dégouliner dans le cou et, quand je sommeillais, j’entendais également des oiseaux. Je me réveillais en sursaut. J’étais là, planté dans la boue. Je regardais par le créneau. On ne voyait rien. Il faisait noir. J’entendais le vent. La pluie cinglait.
Blaise Cendrars / Les confessions de Dan Yack / Rouleau six (extrait)