« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Quel était ce murmure autour de son lit ?

 

 



.../…

 

 

     Il se réveilla vers dix heu­res, seul, et tou­jours cou­ché sur le sofa. La cou­ver­ture que Sara lui avait mise était tom­bée par terre, mais il n’avait pas froid. Elle avait aussi fermé les fenê­tres et il les rou­vrit. Il eut l’impres­sion d’avoir les idées clai­res, mais il était fati­gué et trem­blait. Une angoisse sourde s’empara de lui à nou­veau; il la sen­tait dans tout son corps, dans sa moelle et dans ses os, lorsqu’il enten­dait un bruit dans la mai­son ou quelqu’un par­ler dans la rue. Peut-être que s’il se cou­chait jusqu’à demain matin, cela irait mieux ? Et il se se désha­billa. mais il ne put trou­ver le som­meil. Il resta cou­ché et réflé­chit à tout ce qui lui était arrivé ces der­niè­res vingt-qua­tre heu­res, depuis qu’il était allé dans la forêt pour boire son petit fla­con d’eau, jusqu’à main­te­nant où il était fié­vreux dans sa cham­bre. Comme ces heu­res lui avaient paru lon­gues! Et cette angoisse qui ne le quit­tait pas, ce sen­ti­ment obs­cur de se trou­ver au bord d’un acci­dent, d’un mal­heur. Qu’avait-il fait ? Quel était ce mur­mure autour de son lit ? Toute la pièce en était emplie. Il joi­gnit les mains et crut s’endor­mir…

     ­Sou­dain, il regarda sa main et vit que sa bague avait dis­paru. Son cœur se mit à bat­tre rapi­de­ment; il regarda bien : la trace de la bague y était, mais la bague, elle, avait dis­paru! Mon Dieu, la bague a dis­paru! Oui, il l’avait jetée à l’eau… Et main­te­nant plus de bague, plus de bague…

     Il se leva pré­ci­pi­tam­ment, s’habilla à toute vitesse et tourna en rond comme un dément. Il était dix heu­res; à minuit il fal­lait qu’il l’ait retrou­vée, minuit, pas une seconde de plus… la bague, la bague !

 

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Knut Ham­sun / Mys­tè­res (extrait)