ODE CANTALIENNE
Par domcorrieras, le dimanche 24 novembre 2024 - Poèmes & chansons - lien permanent
Au bon air des dômes, au plus haut des puys,
rien ne te manque, Cantalien, et tout ou presque
mériterait chez toi de faire fresque :
la Salers du labeur, reine des pâturages,
l’art de presser la tomme obtenue du « caillé »,
d’en tirer un fromage à la saveur fruitée,
le bien-nommé Cantal qu’on aime jeune ou vieux
ou bien encore dans son entre-deux ;
ce que, de tes voisins, tu détiens en partage :
l’amour du Saint-Nectaire, enfant du Puy-de-Dôme,
qui se cloître et s’encroûte en bonne odeur de sainteté,
le goût du bleu d’Auvergne persillé,
lait saturé de tout ce que le bovin broute
et rumine à l’écart des routes :
l’herbe grasse, les graminées
et les petites fleurs des prés :
centaurée, achillée que l’abeille butine,
campanule azurée que le marcheur piétine,
potentille et trèfle blanc
et peut-être orchidée mâchée par accident,
mais non pas gentiane à la racine amère
qu’on met à macérer pour ouvrir l’appétit
avant force truffade, aligot et pounti.
Vive l’apéro des montagnes !
Mais ces mets du pays, quel vin les accompagne ?
Nulle piquette ni vin sur :
venu de l’Allier, un Saint-Pourçain pour sûr !
Cantalien, quittons la table.
Dis-moi la source et le volcan (on croirait une fable),
les cratères éteints, les gorges, les torrents
menant aux rivières soumises
à ces colosses arcs-boutés entre deux rives ;
à ciel ouvert, toutes les mines :
la lauze, le granit, la sombre pouzzolane
des chapelles romanes
et pour le pèlerin qui s’accorde une halte
non les orgues bénis mais ceux faits de basalte.
Rien ne te manque, Cantalien :
tu espères l’oiseau et toujours l’oiseau vient.
Planant, sifflant sur les à-pics,
deux milans te contemplent.
Ce sont milans royaux sur les ruines d’un temple
offert à tous les vents, masque aux orbites creuses
d’où clament les corbeaux.
-Cantalien, crois-tu que le printemps est proche
ou devrons-nous longtemps attendre son sourire ?
-Mon cher, quand nos vallées tardent à refleurir
croyez-vous que je m’en étonne ?
Je vais sur les sommets que la neige festonne
guetter les derniers feux d’un hiver encor beau.
Michel Sirey