« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Le Narcisse et la rose

 

 

Non pas Narcisse, le miroir
Brille dans le pré
Vert sombre de ma morte
Enfance de loup…

Bonsoir Démon,
Tu m'écoutes en souriant ?
Mais n'ouvre pas la bouche,
J'ai compris, je me rends.

Je parlais du miroir
Qui n'est que lumière
Pure, réfléchie — nid
D'échos poétiques.

Non. aucun rapport avec Narcisse,
Il s'est assez regardé ;
Et, rien que pour une fois,
Je peux t'affronter, intrépide.

Rêve ou indifférence
Ou mémoire, je ne sais pas,
Le miroir argenté resplendit
Dans le pré noir et seul.

Son rayon me subjugue,
crépusculaire, qui fouille
Immobile dans la triste
ombre du paysage.

Viens, chez Démon,
Et contemplons ensemble
L'absence de Narcisse
Dans l'argenté du rêve.

Le rire ne fait-il pas rage
Dans ta bouche odieuse ?
Eh bien, ami, cueille
Une rose dans le jardin.

Moralité ou poésie
Ou beauté, je ne sais pas,
Tendant cette rose
Pour qu'elle se réfléchisse seule.  

1946

……………..

 

Il Narciso e la rosa



Non Narciso, lo specchio
brilla nel verdecupo
prato della mia morta
fanciullezza di lupo…

Buona sera, Demonio,
mi ascolti sorridendo?
Ma non aprire bocca,
ho capito, mi arredo.

Parlavo dello specchio
che null'altro è che luce
pura, riflessa — nido
di poetici echi.

No, Narciso non c'entra,
s'è guardato abbastanza;
e, una volta tanto,
posso affrontarti intrepido.

Sogno o indifferenza
o memoria, non so,
l'argenteo specchio splende
nel nero prato solo.

Mi soggioga il suo raggio
vespertino che fuga
immoto nella mesta
ombra del paesaggio.

Vieni imperversa il riso
nella tua bocca odiosa?
Ebbene, amico, cogli
nell'orto una rosa.

Moralità o poesia
o bellezza, non so,
protendo questa rosa
a rispecchiarsi sola.
 

1946

 

Pier Paolo Pasolini / Le rossignol de l'église catholique
traduit de l'italien par René de Ceccaty