« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

DIRE


 

 

Dire sans dire avec du ciel et du silence

Traduire un sang de feu que je ne comprends pas

Trouver les mots du saule et le gel de l’absence

Suivre le coup de dés fragile de tes pas

Dormir au fond de tes lisières de donneuse

Savoir pour que tu saches que tu ne sais plus

Entrer en toi par l’arbre la lune et l’yeuse

Eteindre le couchant pour toucher ton sein nu

Marquer en toi l’azur pour caresser la nue

Dissimuler que tu simules que je sais

La fuite des vivants et la nuit des statues

Et le matin d’un grand amour sur les genêts

Tout me dit la rosée et mon sang bat plus vite

Le feuillage s’exprime en verdures de mots

Je le sens dans les pales fleurs hermaphrodites

Je le vois dans le vert tendre de tes ormeaux

Et le vent d’émeraude au coude des rivières

Je détiens ce contour charnel que tu connais

Tes yeux ouvrent pour moi leur nacre d’ardoisière

Dans les aubes qui meurent en moi l’aube naît

Comment bercer tes mots avec mon sang qui parle

Des femmes sont éteintes je ne sais pas quand

Dans les fleurs de Paris et dans les pierres d’Arles

Et te voila sans mémoire et sans Alyscamps

Ton corps qui brille un jour prolongera ma cendre

Tu montes le destin que je vais redescendre

D’un regard à jamais nous nous tendons la main

Pour toi les blés d’hier refleuriront demain

La mer passe et ceux qui restent sont périssables

Et je pourrais ne pas avoir connu ce jour

Où nous étions deux corps parmi les grains de sable

Entre la dune d’ombre et l’enfer des labours

Et ce qui n’est ni caresse ni certitude

Propage le babil tremblant de mon émoi

Et je sais O femme d’abîme et d’altitude

Que peut-être ce soir tu rêves comme moi.

Robert Goffin