« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Je suis la frontière


 

 

Perdu dans l'opium des craquelures de l'absence,

je dérive dans les parenthèses du moi.

Je suis la frontière de mon nom,

j'arrime les vieilles palpitations de la Question,

je me cherche dans l'oblique des transparences,

je respire jusqu'aux déchirures du rire.

Des clowns se noient dans le jardin des larmes

là où, dans les eaux croupies, Monet faisait ses emplettes,

l'ombre du vacarme est un oubli qui m'efface.

Au crépuscule, pas besoin d'amulette, là-bas une gifle me réveillera,

mais l'instant court,

les mots coagulent, se désagrègent,

se font bruit, clameur, débordent.

J'ai peur des phrases brusquées, des onomatopées de la déraison,

le cri est noir,

s'y agitent les lieux communs d'un patrimoine cosmique.

Je viens du futur,

la mort, le bonheur, le futur, c'est où ?

Autour de moi la vie est une feuille d'automne

ciselée par les ailes d'un vent qui l'emporte.

L'errance des mots plein ciel, des gazouillis d'enfance,

enfonce des chemins de frayeurs tracées,

j'écris mes cicatrices et le doute

sur la peau, parchemin en quête d'avenir.

Les rides se maquillent et le rire cabre ses larmes,

j'avance à reculons dans le brouhaha,

je suis d'ailleurs,

je suis la frontière du vent, de la pluie, d'autrui.

Chacun porte sa douleur,

l'amour est une douceur,

vivre est un programme.

Aller plus loin, aller plus loin, aller plus loin,

écrire, écrire, écrire,

et dire l'amour, la joie, l'espérance.

La musique dépassera l'hiver.

Jean-Michel Sananès - 13 janvier 2023