« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

COLEMAN HAWKINS


 

 

Soudain

Il ferme les volets roses d'aubépine

Les yeux clos

Le voici qui dérape au guidon de son saxophone

Il brûle

Du mal des Ardents

Et du parfum des coroles de chair

Il poursuit l'ombre de son ténor

À coups d'uppercuts caressants

Shadow-boxing de la nuit

Ses doigts express effeuillent à tout vent les marguerites

     du métal

Ecore

Encore un

Encore un chorus, Coleman Hawkins

Il reprend en soufflant pus fort

Renoncules tendres de ses paupières

Encore un refrain juteux

Swing' it, Coleman

Et il balace de possession

Revenu des grads fonds de Body and Soul

Il se balade très haut

Avec les anges invisibles de la frénésie

L'air manque

Danse de Saint-Guy du black bottom

Vite un casque pneumatique

Au loin

La terre est minuscule

Encore un octave plus haut

Donnez-moi le bémol de cette teinte orange

Au glissando des cuisses bronzées

Contre-ut gratte-ciel

Et tout à coup du fond des siècles

Ton saxophone est vide dans tes mains

Maintenant l'aurore peut se lever sur Manhattan

Coleman Hawkins a ouvert les yeux

Et il regarde comme les anges musiciens de Saint-

     Bavon.

Robert Goffin / Voleur de feu