« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

MESSIEURS,


 

 

Vous m'avez condamnée par contumace,

Le couperet est tombé.

Vous m'avez répudiée,

coupable de ne pas marcher

aux pas de vos rites ancestraux.

Pourtant, Messieurs, je suis

la favorite de l'herbe

qui éclabousse de chaleur

mes douceurs secrètes.

J'ai pour le vent

des faiblesses d'amante.

Nue, j'aurais pu vous parler

de mes vallons,

de mes chemins ombreux,

de mes jambes qui emprisonnent,

de mes bras qui se tendent.

Mes lèvres, Messieurs, auraient

pu vous dire des mots de silence.

Je ne vous parlerai

que de mes tristesses.

Vous ne saurez rien de mes danses de minuit.
 

***

     Je suis l'invitée de l'arbre,

     il a pour moi des tendresses

     mâles et rugueuses.

     L'orage me réserve des jouissances

     qui me fouillent.

     La poésie me fait crier

     de plaisir et de douleur.

     Vous auriez pu être ma poésie.

     Vous auriez pu être le vent,

     l'herbe et l'arbre dans l'orage.

Anne-Marie Derèse