« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Du peuple intérieur


 

 

     Du peuple intérieur heureux dans la connaissance

des Nombres

     S'exprime l'huile sur mes os, — toute une roche

dans la foudre

     Et l'intelligible toison du grand bélier blanc de

l'été

     Comme de l'Afrique à l'Asie une seule arche

d'herbe pure

     Stable et fumante sous le sang jusqu'aux mutations

du monde

     Trempée avec la haine est maintenant la Terre

solennelle

     Dans la salive et l'iode et le sel rouge de la nouvelle

Lune

     Pour que le pain mûrisse sur l'Égypte avant les

neiges mortes

     Et que du nom de la pierre sacrée soit dans le

Dieu nommé

     L'homme vers l'homme. O bouclier d'oiseaux,

de soleils et de fleuves !

     La mer entre par l'arbre — et dans l'oreille ouvrant

la haute vigne

     La prophétise forte, et prompte, et fabuleuse

sur les eaux.

     Salubre est à la langue la résine vivante de

Juin

     Et soudain la joie comme un coq sur la table du

sacrifice.

     O que porte à présent mon corps cette Femme

peinte à la tête

     De taureaux noirs, et ointe du laitage acide de

l'Esprit

     Comme autour d'elle la rose des plantations

du ciel

     Pour que mon corps tourné vers Chanaan porte

Dieu dans le sien !

     C'est fontaine au Désert et devant moi le feu

comme un lion

     Dans l'or exact en marche vers les près de viandes

et de vins

     Et la profonde Ville. Ah ! qu'en ce lit aux lois

mystérieuses

     Sédimenté de fruits et de froment se consomment

les Noces

     Et la filiation, — et qu'à mon tour saisi du vent

royal

     J'aie force avec la Femme armée des quatre Livres

du printemps

     D'enfanter sa semence et le Dieu qui l'épouse !

— O pays verts,

     O fêtes sur la mer où croît toute l'achitecture

sainte

     Et près des dolmens blancs scellés pour la proche

nuit de la gloire

     La résurrection des corps frappés par l'Eau et

la Parole !

Jean-Claude Renard