« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

LA NUIT DU HIBOU


 

 

C'est un présent que le passé ne rejoint pas

Arrivés à la limite des arbres, nous avons

réalisé que nous n'étions plus capables

d'attention

Et nous retournant vers les camions, nous

avons vu l'absence

Empiler ses objets choisis et dresser

Sa tente éternelle autour de nous

 

C'est un présent que le passé ne rejoint pas

Le fil de soie coule des mûriers

Lettres sur le cahier de la nuit. Seuls

Les papillons éclairent notre hardiesse à

descendre dans la fosse des mots étranges

Cet homme de peine était-il mon père ?

Je parviendrai peut-être à me tirer d'affaire

A naître de moi-même

A choisir pour mon nom des lettres verticales

 

C'est un présent assis dans le vide des récipients

Il scrute les traces des passants sur les

roseaux du fleuve

Et polit d'air leurs flûtes

puissent les mots enfin limpides, nous laisser

entrevoir les fenêtres ouvertes

Puisse le temps se hâter avec nous, et apporter

notre lendemain dans ses bagages

 

C'est un présent hors du temps

Nul espoir de trouver ici quelqu'un qui se

souvienne

Comment nous avons franchi la porte, vent

et à quel moment

Nous sommes tombés du passé

Il se brisa sur les dalles en éclats

Et d'autres les rassemblent

Miroirs à leur image après nous

 

C'est un présent privé de lieu

Je pourrai peut-être me tirer d'affaire

Crier dans la nuit du hibou

Cet homme de peine était-il mon père

Qui me fait porter le poids de son Histoire ?

Je me transformerai peut-être au sein de mon

nom, et choisirai comme il se doit

Les mots de ma mère et ses habitudes

Ainsi elle pourra me cajoler

Chaque fois que le sel effleure mon sang

Et me soigner

Chaque fois qu'un rossignol picore ma bouche

 

C'est un présent qui passe

Ici, les étrangers ont suspendu leurs fusils

aux branches d'un olivier

Apprêté un dîner rapide de boîtes métalliques

Puis ils se sont élancés vers les camions

Mahmoud Darwich / Pourquoi as-tu laissé le cheval à sa solitude ?
traduit de l'arabe (Palestine) par Elias Sanbar