« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Lorsque la ville était la ville


 

 

La ville était la ville

Mais il n’y habitait personne

La denrée vive

Se raréfiait

Le frais se confondait avec le refroidi.

J’atteignais à cet âge étrange

Où les ans se mélangent

Avec les décennies

C’est alors que la revoilà,

La Sainte Mère des transis,

Pourvoyeuse horrible et chérie

Des espérances lancinantes

Et du cal à notre genou.

Elle m’a dit viens donc petit

Je t’empare jusqu’à Byzance

Bien loin d’aujourd’hui et de France

Mais c’est toi qui payes l’essence

Pour le coucher, va, on s’arrange

Avec les peaux superposées.

 

Mais au fait si tu te prétends

Poète as-tu le temps

Que l’on s’envole

Sur le printemps

Cap sur les récifs de Patmos

Epier toute nue la sorcière

Qui prend son bain.

Fais gaffe si elle te voit,

Elle te couperait le doigt

Du bout des lèvres.

 

Je veux revoir vivre la ville

Celle où mes amies s’éperdirent

Et mes amis

Ce que je veux c’est revoir Nantes

La fosse ouverte sur le quai

Et les longs cargos bananiers

Venir coucher leur coque blanche

Et puis Bordeaux et puis la lune

Et toutes les Marianita

A la Lorca

Qui barbotaient dans l’estuaire.

Jean Camille