LA GITANE DÉTIENT UN CIEL EXERCÉ
Par domcorrieras, le samedi 23 avril 2022 - Poèmes & chansons - lien permanent
Tu laisses le vent malade sur les mûriers. Mais
moi
Je marcherai vers la mer. Comment respirer ?
Qu'as-tu fait de nous ?
Pourquoi n'as-tu plus supporté gitane de
résider
Dans le quartier de l'iris ?
Nous avons ton bon désir d'or et de sang
insouciant dans les lignages
Martèle de ton talon l'icône de l'univers, et
les oiseaux chez toi se poseront
Les anges existent. Et un ciel exercé
Fais ce que bon te semble !
Martèle les cœurs comme l'on casse les noix
Et le sang des chevaux giclera
Apatride, ta chevelure. Et le vent n'a pas de
maison
Et je n'ai pas un toit dans les lustres de ta
poitrine
Venu d'un lilas souriant autour de ta nuit, je
parcours seul le chemin de ton duvet
Comme si tu avais été créée de tes propres
mains, gitane
Qu'as-tu fait de notre argile depuis l'autre
année ?
Tu t'habilles de l'endroit, comme si tu
revêtais à la hâte tes sérouals de feu
Et la terre sous tes mains n'a d'autre tâche
que de se retourner sur les outils de l'eau
Une guitare pour le vent
Et une flûte pour que l'Inde s'éloigne encore
Ne nous abandonne pas, gitane
Comme une armée, ses tristes vestiges
Lorsque, venue des contrées de l'hirondelle
Tu nous es apparue
Nous avons ouvert, soumis, nos portes sur
l'éternité
Tes tentes sont une guitare pour les gueux
Nous nous élevons et dansons jusqu'au
crépuscule
Du couchant sanguinolent à tes pieds
Tes tentes sont une guitare pour les chevaux
des envahisseurs anciens qui déferlent
Ecrire la légende des lieux
Chaque fois qu'elle fait vibrer une corde, son
diable nous atteint. Nous partons
Pour un autre temps. Nous cassons nos
cruches l'une après l'autre
Pour accompagner sa cadence
Nous n'étions ni bons ni mauvais, comme cela
se passe dans les romans
Elle gérait nos destinées de ses dix doigts
Fredonnant, fredonnant
Nuée ramenée de notre sommeil par les
colombes
Reviendra-t-elle demain ? Non, nous dit-on
La gitane ne revient pas
Elle ne traverse pas deux fois un pays
Qui unira à sa race, nos chevaux ?
Qui polira après elle
L'argenté des lieux ?
Mahmoud Darwich / Pourquoi as-tu laissé le cheval à sa solitude ?
Illustration : Mahmoud Darwich Painting by Ahmad Kadi