Hôtel Continental
Par domcorrieras, le jeudi 5 mai 2022 - Poèmes & chansons - lien permanent
La solitude a justement ce nom doux et froid qu'on prononce
Et qui ramasse un peu l'âme dans la clarté rompue.
Alors de l'abandon et du retranchement surgit une figure
Qui fait signe à son tour sous les feuilles du papier peint,
Dans le grincement de l'armoire et les marges du livre
Illisible pour le regard qui de loin nous traverse.
Mais sans nom prononçable est cette fosse qui sépare
En deux l'être et, de chaque battement du cœur,
Fait un choc de porte marquée après l'expulsion.
Me voici maintenant au bord de la dernière marche,
Là où le réconfort nait de la présence d'une chaise
Et de la cavité murmurante du lavabo ;
Où la main de la solitude elle-même s'est dessaisie
Et me laisse comme le jour où sous la pluie, après votre départ,
J'ai vu dans un cercle du temps qui n'est pas mesurable
Battre, fer contre fer, la petite porte du square.
Jacques Réda / Récitatif - Poèmes
Photo : Jacques Réda chez lui, en 2012 © Jean-Luc Bertini