« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Hôtel Continental


 

 

La solitude a justement ce nom doux et froid qu'on prononce

Et qui ramasse un peu l'âme dans la clarté rompue.

Alors de l'abandon et du retranchement surgit une figure

Qui fait signe à son tour sous les feuilles du papier peint,

Dans le grincement de l'armoire et les marges du livre

Illisible pour le regard qui de loin nous  traverse.

Mais sans nom prononçable est cette fosse qui sépare

En deux l'être et, de chaque battement du cœur,

Fait un choc de porte marquée après l'expulsion.

Me voici maintenant au bord de la dernière marche,

Là où le réconfort nait de la présence d'une chaise

Et de la cavité murmurante du lavabo ;

Où la main de la solitude elle-même s'est dessaisie

Et me laisse comme le jour où sous la pluie, après votre départ,

J'ai vu dans un cercle du temps qui n'est pas mesurable

Battre, fer contre fer, la petite porte du square.

Jacques Réda / Récitatif - Poèmes
Photo : Jacques Réda chez lui, en 2012 © Jean-Luc Bertini