« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

À mes amis


 

 

À N.I. Petrovskaïa

 

Il croyait à l'éclat de l'or

Et les flèches du soleil l'ont tué,

Sa pensée mesurait les siècles,

mais sa vie fut un échec.

 

Ne vous moquez pas du poète mort :

Apportez-lui une fleur.

Sur la croix, été comme hiver,

Le vent agite ma couronne de faïence.

 

Les fleurs sont brisées,

L'image sainte a pâli,

Lourdes sont les ailes —

J'attends qu'on vienne les enlever.

 

Je n'aimais que le son des cloches

Et le couchant.

Pourquoi j'ai mal, si mal !

Je suis innocent.

 

Venez me plaindre, venez ;

À votre rencontre — couronne — je m'élancerai.

Aimez-moi, apprenez à m'aimer,

Peut-être ne suis-je pas mort, peut-être vais-je me réveiller,

Je reviendrai !

 

Janvier 1907, Paris

Andreï Biély
traduit du russe par NIkita Struve
Illustration : Portrait d'Andreï Biély par Léon Bakst (1905)