« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

D'une forêt


 

 

Quand les Sarrazins arrivèrent en vue de Poitiers, ils

avaient eu le temps d'apprendre le castillan, le navar-

rais, les poésies de Francis Jammes, le limozin, le

javanais de la rivière Creuse et le louchébem des

lamas, qu'on appelle aussi cagouilles.

 

— Attends-my-là, dirent-ils à leurs femmes (la place

où elles campèrent se nomme toujours ainsi) avant

de marcher sus au rempart de la Chrétienté, planté

de tessons de bouteilles dont chacun était un soldat

de Charles Martel.

 

Beaucoup périrent. Les survivants s'égaillèrent, se

firent (et sont toujours) O.S., balayeurs ou terrassiers.

N'en pouvant plus d'attendre, leurs mujers et leurs

moujingues se changèrent en arbres. De chez mon ami

Fombeure, on entend gémir leurs frondaisons. Forêt

de Moulières, dit la pancarte.

Jean Rousselot / Où puisse encore tomber la pluie