« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Elle vient de cette terre sèche


 

 

Elle vient de cette terre sèche

Terre d’argile et d’invasions

De pensées de blessures

Elle vient d’une zone d’ombre en aval de l’absence

Se replie dans les anfractuosités du manque

Elle vient de ce pays de lacunes irrégulières et fines au cœur de la douleur

Elle est la cicatrice sombre la couture invisible faite au jour

Elle vient de cette terre de morsure, d’émotion soumise au vent du Nord à la houle et aux vagues

De ces contrées abruptes ou la mélancolie ,la tristesse rêveuse se mesure à l’alacrité

D’un berceau étranger sans mesure , sans frontière, sans clocher

Ici chaque mot est utile , il s’accroche au moment , aux braises du mistral

Elle est écume et se dissout dans la détresse

Elle est de ce brouillard sucré qui la protège quand elle se sent mourir

Elle est algue monotone alanguie dans les ressacs légers avant l’été

Elle est de cette douceur étrange, bouleversée , de cette flamme dévorée et sensuelle qui vacille sous le vent mais jamais ne s’éteint

Elle garde en elle les collisions et les secousses les premières neiges les barbelés

Les déceptions les lendemains possibles les aubes roses

Elle est dure parfois comme un glacis lustré d’échos

Elle est le poème inédit, les mots attendus caressants de l’enfance

Elle tremble de tendresse aux vestiges d’un seul baiser

Elle est révolte quand elle danse de tous ces instants volés à la vie

Elle est de l’intérieur

Elle est femme

L’orage déjà s’éloigne

Le corps plein

De toute sa mesure

Elle aime.

Isabelle Brechet Brandy / Les veines d’encre