« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

POÈME


 

 

Prologue

 

Comme un bateau, le poète est âgé,

Ainsi qu'un dahlia, le poème étagé

Dahlia ! dahlia ! que dahlia lia

 

 

Précipiter une aile à cette perle : un casque

pour atteindre le feu du ciel à son déclin !

et le serpent volait vers le Sud-Africain.

Deux dragons se battaient pour la victoire de Max

au-dessus d'un couvent de moines turlupins.

Vingt champignons du bois ressemblaient aux marquises

Ayant ouvert leurs gros pieds blancs en pantalons

oui ! le ciel me connaît ! il faut qu'on se le dise !

mais il importe peu au temps où nous vivons.

J'ai, lycéen, tutoyé mes professeurs :

ils m'apprenaient les dessins persans couleur bonbon

j'en ai gardé comme on garde des violettes !

Quadrilles ! j'ai dansé avec l'enfant de ma sœur

déguisé sur mon épaule ou sur ma tête !

Chez ma tante on avait mon lit dans le salon

et je ne me levais qu'à midi au plus tard.

Son fils lui reprochait le luxe de mes cigares.

Voici le précipice où mon arbre a grandi :

Il y a là un amphithéâtre de jeunes filles roses et blanches

Je me suis couché au bord et j'ai lu des livres.

Mes jeunes pensées étaient en robe de dimanche

elles avaient des fleurs dans leurs cheveux lisses.

Je suis les évadés de la prison de Nantes

Un enfant reconnut notre tonsure au front

Quand nous lui demandions la route de Clisson

Une ligne de points quand les bonnes servantes

Témoignaient devant Dieu pour leurs dépositions

était un escalier de mon couvent de Nantes

pour cacher l'infamie de ma vie de prison

Max Jacob / in Nord-Sud, 15 mars 1917