« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

J'ai


 

 

J'ai, enfin, là, devant moi les tendresses du taureau, chacune pèse 350 grammes. C'est ferme comme un sein de jeune négresse. (Pas d'odeur.)

— Mais la couleur du miel.

— Puisque vous les vouliez, m'a dit le boucher, les voilà ! C'est un garçon très bien, le boucher, un amateur d'histoires. Il lit beaucoup. C'est lui qui m'a dit, une fois, vos dessins s'apparentent à ceux de Michaux. Cette observation m'avait ému fortement. Ce boucher, qui habite Saint-Sylvain, est devenu un ami. Fort de cela, un jour je lui dis, carrément, « moi, mon cher monsieur, j'aimerais manger des testicules de taureau ».

— Ah, pas possible !

— Si je vous le dis !

— Bon. si un jour, j'en tue un, je garde les bourses pour vous.

— C'est d'accord, monsieur.

Il vient me voir deux fois par semaine, le mercredi midi et le vendredi soir. tous les mercredis, tous les vendredis, je lui répétais :

— Monsieur, et mes couilles ?

— Rien en vue, me répondait-il.

On parlait. C'est lui qui m'a appris que le nerf de bœuf c'est, tout simplement, la verge du taureau.

 

— Elle est bien longue cette verge !

— On l'étire avec un poids.

— Ah, bon.

Mon boucher n'ignore pas qui est Michaux, moi je ne savais pas, mais pas du tout, que le « nerf » est un sexe.

 

(à suivre).

Jules Mougin / Au jour le jour / La grande Halourde
Illustration : collage de Jules Mougin