« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Mort d'or (aria)


 

 

Nos lits éventés des odeurs légères

Nos poches profondes comme des tombeaux

Et d'étranges fleurs devenues carnassières..

 

14000 milliards de dollars l'encours du crédit à la consommation

des ménages américains

11000 milliards de dollars de créances titritisées dans le monde

2500 milliards de dollars de réserves de change en Chine

21 milliards de dollars de prime répartis entre 29000 salariés

de Goldman Sachs

73 millions pour son seul PDG

161 millions de dollars, le parachute doré de Stanley O'Neal,

PDG de Merril Lynch, qu'on laissa s'ouvrir pendant la crise

des subprime

321  500 emplois détruits en France en 2009

1011 milliardaires dans le monde en 2009

2,5 millions de dollars d'appât pour toi, pour moi par le

Prize Redemption Center (pêcheur de gogos numériques)

 

(et toutes les années qu'il faut pour       comprendre et confondre

en       justice

une seule opération de manipulation               des cours

au sein des millions d'ordres exécutés chaque jour

par les algorithmes du trading à         haute        fréquence)

 

Un jour je n'aurai plus de dents,

Petite-souris itou, sera sans l'sou

(et pourtant j'aurai cru en elle

bien plus longtemps qu'au Père Noël)

 

J'aurai déjà rencontré

mon dernier bloutok

(ma première chemise)

ma dernière piastre

(ma première cuite)

mon dernier ducat

 

drachme ô ma drachme        aux yeux d'orfraie

 

ma dernière anche

dernière pistole avant la fuite

mon dernier sequin pour

la première bayadère de la file

(déhanchement, fard à lèvre, grelots

bras en tulipe)

 

drachme ô ma drachme        aux yeux d'orfraie

 

mon rouge thaler

mon liard, ma maille avant partir

ma marmaille (mon second rôle)

ma perle d'Ébébé

mon kopeck, de chez pas un

kopeck

 

        

 

à moi, Vincent qu'on appelait        vingt sous

 

deux   fois

dissous

 

mon dernier doublon

pour une mousse de houblon

mon dernier as dans la babasse

 

mon agnel d'or

 

mon écu à cheval

 

mon franc balourd mon napoléon

crève-bidon

 

jusqu'au denier de ma dernière dette

sous langue pour

payer mon

passage à

 

Charon

Vincent Wahl / Par où Or (ne) ment. Les Écrits du Nord - ÉDITIONS HENRY