« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

LA BRAISE ET L'HUMUS


 

 

Rien n'est changé de mon destin ma mère mes

                camarades

le chagrin luit toujours d'une mouche à feu à l'autre

je suis taché de mon amour comme on est taché de sang

mon amour mon errance mes murs à perpétuité

 

un goût d'années d'humus aborde à mes lèvres

je suis malheureux plein ma carrure, je saccage

la rage que je suis, l'amertume que je suis

avec ce bœuf de douleurs qui souffle dans mes côtes

 

c'est moi maintenant mes yeux gris dans la braise

c'est mon cœur obus dans les champs de tourmente

c'est ma langue dans les étapes des nuits de ruche

c'est moi cet homme au galop d'âme et de poitrine

 

je vais mourir comme je n'ai pas voulu finir

mourir seul comme les eaux mortes au loin

dans les têtes flambées de ma tête, à la bouche

les mots corbeaux de poèmes qui croassent

je vais mourir vivant dans notre empois de mort

Gaston Miron / La vie agonique